Retour en images sur la soirée de lancement Aries x Jogging.
Fresque Phocéenne
En 1993, l’équipe de l’Olympique de Marseille brandit le trophée de la coupe d’Europe. Le club et derrière lui tout Marseille connaissent une gloire élyséenne et à un instant d’éternité. Cette saison sportive légendaire, depuis devenue un mythe contemporain, est suivie et documentée par Olivier Amsellem, qui accompagne l’OM de 1992 à 1993. À vingt deux ans, il fait le tour de l’Europe avec le club, de Marseille à Munich en passant par Brighton, Glasgow, Moscou, Bucarest, Bruges et Glentoran. Protégé par le verre froid de son objectif, il immortalise joueurs et fans dans une fresque épique.
Semblables à des abstractions bleues et blanches, ces compositions se confondent avec la peinture d’histoire et mythologique. Étoffes en mouvement s’étalant comme des drapés à l’antique, visages et corps perlant de sueur et faces héroïques transcendent vêtements - blousons de supporter en synthétique, costards amples du staff, maillots brillants des footballeurs - et coiffures d’époque et inscrivent dans le mythe cette année 1993.
Dans l’une des photos apparaît Patrice « Depe » de Perreti, figure emblématique des South Winners et fondateur du club de supporters Marseille Trop Puissant. Tel un prophète grunge il harangue, torse nu, une écharpe bleue et blanche autour du cou, un parterre de supporters qui se déploie comme une nuée baroque. Cette foule de bombers oranges et chatoyants se fond en une masse indistincte, vite plongée dans la pénombre d’un soir de match, où l’on aperçoit plus qu’une immense banderole, révélant les mots « foi », « coeur » et « ferveur ». Comme dans un tableau d’histoire ou une scène mythologique ou religieuse, façon Apothéose, ce Depe au combat domine une scène au dynamisme cinématique. Il y a dans cette image, et dans toute la série, le dynamisme flou, constrasté, héroïque et destroy d’une certaine esthétique des années 1990, low et brumeuse, à la Trainspotting de Danny Boyle. Le capo De Perreti y créé toute la mythologie d’un supporterisme qui se prolonge jusqu’à aujourd’hui, et qu’on retrouve sur d’autres photos de la série, comme celles où Boli est en action, ou les portraits groupés du comité, sorte de Ronde de Nuit de Rembraedt en cravates criardes. Cette ferveur la clope au bec, c’est la synthèse de l’épique et du populaire, de la légende et du quotidien.
Emmanuelle Luciani
SWS